Dr N’Goran Yves N’Da Kouakou : « Une opération du cœur d’un enfant coûte 3,5 millions F CFA »

Partagez:

Dr N’Goran Yves N’Da Kouakou : « Une opération du cœur d’un enfant coûte 3,5 millions F CFA »

La cardiologie pédiatrique est la spécialité médicale qui traite des maladies du cœur et du système cardiovasculaire chez les enfants, du fœtus à l’adolescence. Chef de service de cardiologie pédiatrique à l’Institut de cardiologie d’Abidjan (ICA), N’Goran Yves N’Da Kouakou est, par ailleurs, maître de Conférences agrégé à l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, à l’UFR des Sciences médicales. Il explique dans cette interview les contraintes qui s’imposent à l’élève malade du cœur.Aujourd’hui, quelle est la situation des maladies liées au cœur ? Il existe plusieurs maladies liées au cœur. Il y a les maladies qui concernent les adultes et celles qui concernent les enfants.Parlez-nous de la cardiopathie chez les enfantsNous sommes avant tout des cardiologues du fœtus à l’adulte, c’est-à-dire qu’on s’occupe des enfants. Depuis que l’enfant est dans le ventre de sa maman, on peut faire des diagnostics, on peut faire des traitements. Et quand l’enfant naît, s’il y a un problème, on s’en occupe.Quand l’enfant devient adulte et qu’il présente des cas de maladie, nous sommes en mesure d’assurer son traitement.Chez les enfants, on a deux types de cardiopathie. On a les cardiopathies congénitales et les cardiopathies acquises.Expliquez-nous les deux types de cardiopathieLes cardiopathies congénitales sont les cardiopathies retrouvées à la naissance, c’est-à-dire quand la maladie survient au moment où l’enfant est dans le ventre de sa mère. Et il naît avec son problème.En ce qui concerne les cardiopathies acquises, l’enfant naît avec un cœur qui est normal. Mais c’est au cours de la vie que la maladie survient au niveau du cœur de l’enfant. S’agissant des cardiopathies congénitales, la prévalence varie de 7 à 8 pour 1000 naissances, en fonction des différentes études, des échantillons ou du lieu de l’étude.C’est-à-dire que si on prend 1000 naissances, il y a 8 enfants qui ont une cardiopathie congénitale.Quelles sont les causes de cette maladie?Il n’y a pas de causes exactes. Prenons l’exemple du paludisme. Cette pathologie est transmise par le moustique anophèle qui inocule le parasite au malade. Celui-ci obtient la guérison à la suite de la prise de médicaments. En revanche, il est difficile de dire la cause exacte des cardiopathies congénitales. Toutefois, il existe des facteurs de risque. Par exemple, lorsque la mère ou le père est exposé, cela peut favoriser ces maladies. C’est le cas où le père fume, consomme beaucoup d’alcool. Il en est de même pour la mère qui fume ou consomme de l’alcool. En outre, pendant la grossesse, si la mère fait une infection, notamment les infections rubéoliques (la rubéole), cela augmente le risque pour son fœtus d’avoir des cardiopathies congénitales.Est-ce qu’en dehors de l’institut de cardiologie, dans les hôpitaux de l’intérieur du pays, il est possible de détecter une cardiopathie congénitale ?C’est au cours des consultations prénatales que le gynécologue lance l’alerte. Mais, cela n’est pas fréquent. Par exemple, si au cours de ses consultations prénatales, le gynécologue constate que le liquide qui entoure l’enfant est assez, ou peu, ou si le fœtus bouge énormément, il doit demander au cardiologue de voir le cœur de l’enfant. Mais, ce n’est pas encore fréquent dans nos régions, car les cardiologues qui peuvent faire les échographies cardiaques du fœtus ne sont pas nombreux. Ils sont actuellement au nombre de quatre à Abidjan.En tout état de cause, dès qu’une anomalie est constatée chez l’enfant, il faut consulter un cardiologue qui peut vérifier s’il a un trou dans le cœur, ou qu’au lieu de quatre cavités, le cœur en a deux. Dès lors, le traitement peut commencer très tôt et permettre que la malformation soit corrigée.Quant à l’enfant qui naît et développe la maladie par la suite. S’il va à l’école, est-ce qu’il est en mesure de supporter ses charges? L’enfant qui a un problème de cœur, effectivement, est limité dans son activité physique. Du coup, cela limite ses capacités à suivre les cours en classe.Il est limité par beaucoup de contraintes ; il a une mauvaise qualité de vie ; il ne peut pas jouer. Vous imaginez un enfant qui ne peut pas jouer, qui voit ses amis en train de jouer, qui ne peut pas être en joie. Quand il veut jouer, il est essoufflé. Il ne peut pas faire trop d’efforts.Il est souvent malade, et se retrouve couramment à l’hôpital. Le plus souvent, les parents ne savent même pas quel cadeau lui offrir pour pouvoir jouer.Est-ce qu’il y a un taux important d’enfants atteints de cardiopathie aujourd’hui? Aujourd’hui, du moment où les cardiologues sont nombreux pour faire le dépistage, on peut affirmer qu’il y a quand même un taux important. L’Institut de cardiologie est le centre de référence en Côte d’Ivoire. Tous les parents envoient leurs enfants ici, lorsqu’il y a des signes de cardiopathie. Or, on se retrouve à près de 30 à 40 % de nos consultations en cardiologie, où il y a des cardiopathies congénitales.Quels conseils pouvez-vous donner aux parents dont les enfants souffrent de maladies du cœur?Si les parents n’ont pas pu détecter la maladie avant la naissance, ils ne doivent pas hésiter. Un enfant qui est souvent essoufflé ou a mal à la tête, qui fait des infections pulmonaires, des bronchopneumopathies (maladie pulmonaire chronique) à répétition, un enfant qui ne grossit pas, qui ne prend pas de poids, qui a du mal à marcher, à manger… voilà des signes qui ne trompent pas. Dans ces cas, il faut que les parents consultent rapidement un cardiologue. Parce que si on consulte l’enfant très tôt et qu’on voit la maladie, on peut proposer une prise en charge à cet enfant. Et s’il est opéré très tôt, il peut continuer sa vie normale.Est-ce que le coût de la prise en charge est supportable pour les familles? Est-ce que l’État doit davantage assurer la prise en charge?Il faut être honnête, dans ma pratique, le coût de la prise en charge n’est pas supportable par tous, même pour des cadres. Car sur dix familles, à peine une famille arrive à honorer la prise en charge. Par exemple, pour une chirurgie à cœur ouvert, sans prothèse, c’est-à-dire qu’on ne va pas mettre quelque chose là-bas, c’est environ 3,5 millions de F CFA pour les enfants. C’est un coût social subventionné par l’État. Des parents de malades viennent régulièrement solliciter de l’aide.Je profite donc de l’occasion pour remercier les différentes ONG qui nous aident à prendre en charge des enfants malades du cœur. Elles nous aident à prendre en charge en moyenne 50 à 75 enfants par an et on arrive à les faire opérer. Il s’agit de certaines ONG françaises qui s’occupent d’accompagner les enfants en France, afin de les faire opérer, ou encore l’organisation Mitrelli nous envoie du matériel ou des chirurgiens pour les opérations sur place, à Abidjan. Mittrelli a une convention avec l’État de Côte d’Ivoire. Cette ONG nous fait venir des chirurgiens ou nous envoie du matériel pour que nos chirurgiens opèrent ces enfants. En mai dernier, cette organisation a, à travers sa contribution, a permis que vingt enfants soient pris en charge. En novembre prochain (2025), Mitrelli va revenir pour favoriser la prise en charge d’autres enfants.Il y a aussi la Fondation de la Première dame Dominique Ouattara qui, le mois passé (Ndlr, en juillet 2025), avec l’ONG Chaîne et l’Espoir, a donné des prises en charge pour qu’on puisse opérer huit enfants du cœur.Quelles sont vos attentes vis-à-vis de l’État de Côte d’Ivoire?Nous tenons à dire merci à l’État de Côte d’Ivoire qui fait déjà beaucoup pour les enfants. Mais, la demande reste forte. Certes, l’État subventionne déjà les prises en charge des enfants qui ont des problèmes de cœur. Mais, beaucoup reste à faire.En Côte d’Ivoire, il y a de nombreux chirurgiens du cœur bien formés, mais, le matériel manque pour qu’ils puissent donner leur plein potentiel. Ce matériel coûtant extrêmement cher, ce qui renchérit les coûts des interventions, il faut que l’État et les bonnes volontés aident l’Institut de cardiologie d’Abidjan.Est-ce que des opérations de cœur ont lieu dans d’autres établissements hospitaliers en Côte d’Ivoire, en dehors de l’Institut de cardiologie d’Abidjan ?Aujourd’hui, c’est à l’Institut de cardiologie d’Abidjan seulement qu’on peut opérer les enfants malades du cœur. C’est vrai qu’il y a des centres qui vont ouvrir. Il s’agit, notamment de celui de l’Hôpital mère-enfant et des centres de cliniques privées. Mais, actuellement, ces centres ne sont pas encore opérationnels.Interview réalisée par Ahua Kouakou

(Visited 1 times, 1 visits today)
Partagez:

Articles Simulaires

Partager
Partager